En Travail se présente comme une mise en lumière face à l’histoire sombre émanant des œuvres L’Établi et Personne ne sort les fusils. Il s’agit de réhabiliter l’image du travailleur dans notre société contemporaine, cette force de travail qui nourrit le PIB de notre nation et semble endurer dans le déficit d’estime. Une ode au travail manuel par le truchement du dessin, visant à atteindre une qualité de travail qui requiert une temporalité particulière, une temporalité aujourd’hui antagoniste à la compétitivité entrepreneuriale.
L’encre glisse avec précaution sous la pression manuelle, orchestrant un ballet de dégradés, de nuances et de contrastes du bleu sur la surface dorée. Les adhérences sont incertaines, oscillant entre délicatesse et violence, mais c’est dans l’épaisseur du temps que réside la permanence.
Bernard FRIOT et Fréderic LORDON, En travail Conversation sur le communisme, Entretiens, Édition La dispute, 2022
Bernard Friot s’intéresse à la poursuite de la construction d’institutions alternatives au capitalisme : salaire à vie, propriété d’usage, souveraineté sur l’investissement. Frédéric Lordon développe une philosophie spinoziste des institutions, après avoir, comme économiste, analysé le capitalisme financiarisé. Leurs trajectoires scientifiques et militantes sensiblement différentes n’en convergent pas moins sur la nécessité d’une proposition communiste qui donnerait à une mobilisation générale l’appui de figures et de réalisations concrètes.
Dans cette rencontre, leurs conversations reparcourent leurs accords essentiels (sur la valeur, la division du travail, les institutions, la violence,), déplient leurs désaccords sans faux-fuyants (le déjà-là, la Régulation, Bourdieu, la transition), avant d’échanger sur leur position de chercheurs et sur leur interprétation de la situation politique actuelle.
Il fallait une authentique rencontre intellectuelle, avec ce qu’elle suppose de confrontation fraternelle des idées, pour aboutir ainsi à cette mise en travail du communisme.